Les 60es Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) se tiennent cette semaine à Abidjan, du 26 au 30 mai 2025. Ce grand rendez-vous économique et politique réunit les ministres des Finances et gouverneurs de banque centrale des 81 pays membres, ainsi que de nombreux partenaires techniques et financiers. L’un des moments les plus attendus de ces assises est sans conteste l’élection du futur président de la BAD, prévue le 29 mai.

L’actuel président, le Nigérian Akinwumi Adesina, termine son deuxième mandat après dix années à la tête de l’institution. Cinq candidats sont en lice pour lui succéder, chacun avec son profil, ses appuis et ses chances, dans une course qui s’annonce ouverte mais stratégique, tant les équilibres régionaux et les influences des actionnaires non africains pèseront sur l’issue du scrutin.

Cinq candidats aux profils solides

Samuel Munzele Maimbo (Zambie)

Ancien vice-président de la Banque mondiale, Maimbo est vu comme un des favoris. Il dispose d’un solide réseau au sein des grands actionnaires non africains de la BAD, notamment les États-Unis, avec qui il a collaboré de près à Washington. Sa stature internationale, son expérience dans la finance du développement et ses liens avec les bailleurs renforcent considérablement sa position.

Sidi Ould Tah (Mauritanie)

Actuel directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), Ould Tah a l’avantage de connaître en profondeur le continent et ses besoins en matière de financement. Il bénéficie du soutien de la Mauritanie, de plusieurs pays du Golfe, mais aussi de certains pays d’Afrique de l’Ouest comme la Côte d’Ivoire ou le Bénin. Proche de nombreux chefs d’État, il apparaît comme un candidat de consensus dans plusieurs cercles africains.

Amadou Hott (Sénégal)

Ancien ministre sénégalais de l’Économie et ex-vice-président de la BAD, Hott est un technocrate respecté. Sa candidature est cependant affaiblie par un manque de soutien régional massif et une campagne jugée discrète. Il pourrait néanmoins constituer une alternative crédible si les voix se dispersent entre les autres favoris.

Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud)

Seule femme en lice, Tshabalala a longtemps été vice-présidente principale de la BAD. Elle compte sur l’appui de l’Afrique du Sud et des pays du BRICS. Cependant, la présence de deux candidats d’Afrique australe pourrait diviser les votes de la région. Certains observateurs estiment aussi que son appartenance à l’équipe sortante pourrait jouer contre elle dans une dynamique de renouvellement.

Mahamat Abbas Tolli (Tchad)

Gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), Tolli est soutenu par l’Afrique centrale. Mais ses chances sont jugées limitées en dehors de cette zone, notamment face à des candidats plus visibles et mieux introduits sur la scène internationale.

Une élection sous haute tension diplomatique

L’élection du président de la BAD obéit à des règles bien précises : les 81 gouverneurs représentant les États membres (54 africains et 27 non africains) votent, et le candidat doit obtenir une double majorité : celle des votes africains, et celle des votes totaux, pondérés selon les parts de capital détenues. Or, des pays comme le Nigeria, les États-Unis, le Japon, l’Allemagne ou la France figurent parmi les principaux actionnaires, et leur appui peut s’avérer décisif.

Les jours précédant le vote sont ainsi marqués par d’intenses négociations, des compromis régionaux, des échanges diplomatiques discrets et des jeux d’alliances entre blocs d’intérêts divergents. Chaque candidat tente de bâtir une coalition la plus large possible, au-delà des clivages linguistiques ou géographiques traditionnels.

Une BAD à la croisée des chemins

Au-delà de l’élection, ces Assemblées annuelles abordent des thématiques cruciales pour l’avenir du continent : adaptation au changement climatique, souveraineté alimentaire, réforme du système financier mondial, industrialisation verte, intégration régionale et accès aux financements innovants. Les débats ont également porté sur les partenariats stratégiques, notamment avec les institutions du G20 et les banques multilatérales.

Alors que l’Afrique cherche à renforcer sa résilience face aux chocs mondiaux et à mobiliser davantage de ressources pour son développement, le choix du prochain président de la BAD revêt une dimension hautement symbolique et stratégique. Il s’agira d’un leader capable de faire entendre la voix du continent sur la scène internationale, tout en poursuivant la modernisation d’une institution clé pour l’avenir de l’Afrique.

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