Selon les informations exclusives rapportées par le site AlAkhbar, l’affaire explosive des « comprimés hallucinogènes » révèle, à travers une septième série d’aveux, l’existence d’un réseau structuré mêlant vendeurs de rue, agents douaniers, pharmaciens et intermédiaires internationaux. Entre importations frauduleuses, complicités locales et failles administratives, le scandale prend une ampleur inédite.
L’enquête judiciaire, qui implique 32 personnes, a déjà conduit à l’incarcération de 17 individus, après appel du parquet. Dix-huit autres sont placés sous contrôle judiciaire, et les restants soumis à une caution de cinq millions d’anciennes ouguiyas chacun.
Les aveux des mis en cause confirment l’introduction illégale de dizaines de milliers de sachets de comprimés psychotropes, pour la plupart en provenance d’Inde. Le réseau impliquait des ressortissants étrangers — un Indien, un Syrien, un Libanais, des Algériens, des Marocains et des Sahraouis — travaillant avec des relais mauritaniens.
Idoumou Ahmedane El Khalifa, né en 1982 à Mbout, vendeur bien connu sur les marchés de la capitale, a admis écouler depuis 2005 toutes sortes de produits pharmaceutiques : vitamines, stimulants sexuels, analgésiques, compléments alimentaires, voire médicaments pour animaux. Il nie cependant avoir vendu des psychotropes. Il a reconnu avoir reçu, via un pharmacien influent, une photo d’un comprimé suspect à promouvoir au « marché saharien ».
Il a transmis cette image à un agent de sécurité, Ould Boulemsag, soupçonné d’avoir écoulé ce type de produits auprès de clients sahraouis et de recevoir des cargaisons de médicaments en provenance d’Algérie.
Cheikh El Hussein El Wedaa, né en 1981 à Rosso, propriétaire d’une officine baptisée « Pharmacie de la Santé », a reconnu avoir tenté d’acquérir 400 boîtes de psychotropes sur commande d’un autre accusé, contre une somme de 12 millions d’anciennes ouguiyas. La vente échouera, l’acheteur ayant trouvé un tarif plus avantageux ailleurs. Lors de son arrestation, des médicaments d’une valeur de 200 000 anciennes ouguiyas — certains périmés — ont été saisis par la gendarmerie.
Ahmedou Ould Ahmed Beye, né en 1959 à Amourj, décrit comme agent de liaison entre Mohamed El Anouar et un fournisseur indien, jouait le rôle de traducteur et facilitateur logistique. Il a confirmé avoir aidé à l’importation de cargaisons entières — composées exclusivement du médicament NERVESESIC 300mg — via Bamako, puis par camion jusqu’en Mauritanie. Il recevait jusqu’à 100 000 anciennes ouguiyas par opération.
Moustapha Abdallah Gaye, né en 1963 à Kiffa, employé au service fret de l’aéroport international, a admis avoir facilité l’entrée d’au moins trois cargaisons pour Mohamed El Anouar. Selon lui, les documents étaient en règle, incluant une autorisation de la Direction de la pharmacie. Chaque lot pesait près d’une tonne. Il percevait environ 60 000 anciennes ouguiyas par transaction.
Il affirme n’avoir jamais su de quel type de médicament il s’agissait et nie toute corruption. Il relate une seule rencontre physique avec El Anouar, venu personnellement lui remettre un document manquant.
Ces révélations, relayées par AlAkhbar, dressent le portrait inquiétant d’un trafic organisé, capable de contourner les dispositifs de contrôle grâce à un maillage local et international bien établi. L’affaire jette une lumière crue sur les faiblesses de l’encadrement pharmaceutique en Mauritanie, et sur la porosité des circuits officiels — notamment douaniers — aux substances interdites.
Le procès à venir pourrait bien être l’un des plus retentissants de ces dernières années.