Dans la nuit du 7 au 8 juin 2003, Nouakchott, la capitale mauritanienne, s’est soudain transformée en un véritable champ de bataille. Alors que la ville s’apprêtait à sombrer dans le sommeil, des chars et véhicules blindés ont lancé leur offensive contre les symboles du pouvoir en place. Le commandant Saleh Ould Hanenna, ancien chef du bataillon blindé et figure militaire influente mais en rupture avec le régime, a décidé de tenter un coup d’État audacieux pour renverser Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, président depuis 1984.

Initialement prévue vers 3 heures du matin, l’opération fut précipitée à minuit, suite à des soupçons sur certains complices restés injoignables, ce qui créa une confusion supplémentaire et accéléra les affrontements. Le plan des putschistes était clair : s’emparer du palais présidentiel, du ministère de la Défense, de l’état-major, de la radio nationale et de l’aéroport, afin de paralyser l’appareil étatique et couper les communications.

Le palais présidentiel fut rapidement encerclé, et les combats firent rage dans les rues de la capitale. Les tirs nourris de mitrailleuses, les explosions, les détonations des blindés retentissaient jusque tard dans la nuit. La ville, habituellement calme, se retrouva soudain plongée dans un climat de guerre civile. Le colonel Mohamed Lemine Ould N’Diayane, chef d’état-major loyaliste, trouva la mort dans ces combats, soulignant la violence extrême du conflit.

Cette tentative n’était pas un coup d’éclat isolé. Depuis plusieurs années, Hanenna nourrissait une rancune profonde contre un régime qu’il jugeait autoritaire, corrompu et déconnecté des réalités du pays. Dès l’an 2000, des rumeurs circulaient déjà sur des projets de renversement dont il était à l’origine, mais ceux-ci avaient été déjoués avant même de pouvoir se concrétiser. Marginalisé, surveillé, mais toujours soutenu par une frange mécontente de l’armée, Hanenna capitalisait sur le ressentiment croissant.

Le régime de Taya, bien qu’installé depuis près de deux décennies, montrait des signes d’usure évidents. Les promotions dans l’armée se faisaient davantage sur la base de la loyauté que du mérite, ce qui nourrissait les frustrations et divisions internes. Cette nuit de juin 2003 exposa ces failles au grand jour.

Malgré la rapidité de l’offensive, le président refusa de céder. Retranché dans le palais, il ordonna la mobilisation générale et fit appel à des renforts venus des régions d’Atar, Rosso et Bababé. Après plusieurs jours de combats acharnés, les forces loyalistes reprirent peu à peu le dessus. Le putsch fut officiellement écrasé le 10 juin, et Hanenna dut se réfugier dans la clandestinité.

Cependant, la lutte ne s’arrêta pas là. Hanenna créa alors un groupe armé, « Les Cavaliers du Changement », qui mena plusieurs opérations de déstabilisation à travers le pays. Ces actions provoquèrent une nouvelle vague d’insécurité, jusqu’à son arrestation en octobre 2004 à Rosso. Jugé en février 2005, il échappa à la peine de mort mais fut condamné à la prison à perpétuité.

Moins de deux ans après cette tentative sanglante, en août 2005, un autre coup d’État pacifique, interne cette fois, renversa Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya. La junte dirigée par le colonel Ely Ould Mohamed Vall proclama une transition démocratique. Hanenna fut amnistié, revint sur la scène politique, et participa à la présidentielle de 2007, amorçant ainsi une carrière parlementaire.

Ironiquement, l’un des hommes clés qui avaient participé à stopper la tentative de 2003, Aziz, deviendra plus tard un acteur central des coups d’État mauritaniens. Co-auteur du putsch de 2008 qui renversa le président élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi, il incarna la continuité de ce cycle politique mouvementé. Aujourd’hui en prison pour corruption, son parcours illustre la dure réalité des révolutions de palais qui finissent souvent par se retourner contre leurs auteurs.

À l’époque de ces événements, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, alors colonel et proche allié d’Aziz, partageait la scène politique. Aujourd’hui président de la République, il incarne la permanence d’un cercle de pouvoir complexe et profondément enraciné.

Vingt ans plus tard, la question reste entière : le cercle s’est-il réellement refermé ?

L’ère des coups d’État semble peut-être toucher à sa fin. La Mauritanie, après tant de secousses, de crises et de renversements, a vraisemblablement eu sa dose.

Rédigé par Shemsmaarif.info

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