Le 17 mai 2025, Nana mint Cheikhna a lancé un cri d’alarme vibrant dans une tribune remarquée, « Le sursaut ou l’enlisement : quelle voie pour la Mauritanie ? » Un texte fort, lucide, qui place le pays face à un dilemme historique : saisir l’opportunité de se réinventer ou continuer à sombrer dans la répétition des échecs du passé.
Dans ce plaidoyer sans concession, l’autrice dresse le portrait d’une nation debout sur une ligne de crête. Riche de ses ressources — fer, or, poisson, gaz — et promise à un avenir de prospérité, la Mauritanie est pourtant rongée par des failles profondes : une pauvreté endémique, des inégalités persistantes, une diversité mal assumée et une mémoire nationale encore blessée. Les promesses de la richesse ne valent rien, affirme-t-elle, si elles ne servent qu’à renforcer les privilèges existants et perpétuer les exclusions.
La critique est implacable. Une démocratie en perte de souffle, un pouvoir figé dans des logiques claniques, une opposition éclatée, des libertés menacées, un système éducatif en déliquescence, un chômage écrasant la jeunesse, une justice sociale en ruine. L’État perd peu à peu sa légitimité, affaibli par la corruption, l’insécurité et la mainmise de l’argent sale.
Mais la tribune de Nana mint Cheikhna dépasse largement le simple constat. Elle replace la Mauritanie dans un contexte mondial en mutation, où les frontières n’offrent plus de refuge. Les secousses du monde — guerres, crises climatiques, tensions géopolitiques — ne sont plus lointaines ; elles résonnent jusqu’aux ruelles sablonneuses de Nouakchott et aux hameaux reculés de l’intérieur. Le monde est devenu un réseau de tensions interconnectées : « le battement d’aile d’un président » à des milliers de kilomètres peut aujourd’hui devenir « tempête à nos portes ».
L’autrice évoque l’instabilité croissante dans le Sahel, les transitions militaires incertaines, les rivalités entre puissances régionales, le conflit du Sahara occidental et l’incapacité des États maghrébins à s’unir. Elle met en garde contre la dérive d’un monde où la force brute remplace le droit, notamment si le populisme agressif incarné par le retour de Donald Trump venait à s’imposer à l’échelle mondiale. Pour les nations comme la Mauritanie, cela signifierait l’abandon pur et simple, livrées aux rapports de force sans garde-fous.
Face à ce vertige global et au délitement interne, l’autrice appelle à un sursaut. Un véritable acte de refondation. Cela passe, selon elle, par un dialogue national authentique, par une vision de long terme, par la reconstruction d’institutions solides et la réinvention d’une gouvernance fondée sur l’inclusion, la justice et la citoyenneté.
Il ne s’agit pas d’un simple appel à la réforme, mais d’un projet de transformation radicale : redonner souffle à la démocratie, replacer l’école au cœur du pacte républicain, reconnaître toutes les composantes de la nation, refuser les simulacres et les compromis mous. C’est à ce prix que la Mauritanie pourra préserver son unité, son indépendance et sa dignité.
Par ses mots, Nana mint Cheikhna agit en éclaireuse. Elle ne caresse ni le pouvoir ni l’opposition dans le sens du poil. Elle interpelle, sans détour, et exige un sursaut de conscience collectif. Son texte s’inscrit dans une tradition de pensée politique courageuse, rare dans le débat public mauritanien. Loin du fatalisme, il réveille une espérance : celle d’un pays qui, à force de lucidité et de volonté, pourrait enfin choisir de marcher debout dans l’Histoire.
Un texte à lire, à méditer, et surtout à prendre au sérieux. Car entre le sursaut et l’enlisement, il n’y a pas de troisième voie.