Le 8 juin 2003 demeure une date singulière dans l’histoire de la Mauritanie. Ce jour-là, un groupe d’officiers, dont je faisais partie, a tenté d’interrompre un ordre établi que nous jugions figé, injuste et réfractaire à toute évolution. Ce geste, controversé et douloureux, reste encore aujourd’hui difficile à évoquer sans passion ni crispation.

Dix-huit ans plus tard, l’heure n’est plus aux slogans ni aux jugements hâtifs, mais à la mémoire lucide. Il ne s’agit pas de chercher à justifier ni à glorifier un acte militaire, mais d’en rappeler les racines, les motivations, les limites, et surtout, le sens. Car derrière ce que l’on a parfois qualifié de “coup d’État”, il y avait une volonté profonde de réveil national, née d’un sentiment d’impasse absolue.

Oui, nous avons rompu avec la légalité. Mais cette légalité, en 2003, ne protégeait ni les droits, ni les institutions, ni les libertés. Elle était devenue l’instrument d’un pouvoir figé, incapable de se réformer de l’intérieur. Étions-nous dans l’erreur ? Peut-être. Mais nous n’étions pas sans raison.

Il serait injuste de réduire ce moment à un simple épisode de violence. Il a marqué un tournant dans la conscience collective. Il a mis à nu les fractures d’un régime. Et, paradoxalement, il a contribué, indirectement, à ouvrir la voie à une évolution plus pacifique de la vie politique mauritanienne.

Aujourd’hui, la Mauritanie a changé. L’armée est restée dans les casernes. Des alternances ont eu lieu dans les urnes. Le débat public est plus libre. Si ces avancées sont possibles, c’est aussi parce que certains, à un moment donné, ont osé dire non, au prix fort.

Je pense aux victimes, aux familles brisées, à tous ceux qui ont souffert. À ceux qui ont défendu la légalité d’alors, je dis : votre combat aussi avait sa légitimité. Mais que l’on ne juge pas sans comprendre.

Ce texte n’est pas une revendication. C’est une tentative d’explication. Un appel à regarder notre histoire en face, sans fierté excessive ni honte inutile. Car seule la vérité, même imparfaite, permet la réconciliation.

Traduction Shemsmaarif.info

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