À quelques kilomètres du centre-ville de Nouakchott, la capitale change brutalement de visage. Ici, l’asphalte laisse place à la poussière, les villas aux baraques en tôle, les rues éclairées aux ruelles plongées dans l’obscurité. Bienvenue dans la ceinture de misère de Nouakchott. Une réalité faite de pauvreté, d’insécurité, de violences… et d’oubli.
À Tahil, les habitations sont construites avec ce que l’on trouve : tôles ondulées, morceaux de bois. L’eau est rare, l’électricité instable. Mariem, 29 ans, mère de trois enfants, vit dans une pièce unique. Elle travaille comme domestique en ville : «. Je fais ce que je peux pour nourrir mes enfants. Ici, personne ne nous aide. » La nuit, le quartier devient un territoire d’ombre et de peur. « Des bandes armées de couteaux circulent. On dort sur nos gardes. »
Cheikhna, 18 ans, a été agressé à la sortie d’un terrain de football. « Trois gars m’ont attaqué, ils m’ont tout pris. Mon téléphone, mes habits. Je n’ai même pas porté plainte, j’ai eu la vie sauve c’est le plus important. » Plus loin, Zahra, 16 ans, a échappé de peu à un viol en rentrant de l’école. Traumatisée, elle a cessé de fréquenter les cours. « Je reste à la maison. J’ai trop peur. »
À Dar Naïm, les jeunes tournent en rond. Le chômage est massif, les perspectives inexistantes. Moulaye, 23 ans, a quitté le sud du pays pour tenter sa chance à Nouakchott. Il vit dans une baraque sans eau ni électricité. « On m’a dit qu’ici je pourrais travailler. Mais il n’y a rien. Beaucoup volent ou se droguent pour oublier. »
Partout, la même plainte revient : l’oubli. Ces quartiers vivent dans un autre Nouakchott, fait de poussière, de débrouille, de peur et de silence. Loin du centre, loin des regards, loin des décisions.
Et pourtant, c’est là que se joue, en silence, une partie de l’avenir de la capitale. Si rien n’est fait, cette ceinture de misère risque de devenir une ceinture de colère. Et aucune capitale ne peut grandir durablement en tournant le dos à sa propre périphérie.