Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a ordonné, jeudi dernier, aux ministres impliqués dans le Programme d’urgence pour l’accès universel aux services essentiels pour le développement local de retourner dans les wilayas de l’intérieur pour informer les populations des projets retenus pour leur région. L’annonce a été faite à l’issue d’une réunion au palais présidentiel, en présence du Premier ministre et des membres du gouvernement concernés.

Le programme, d’un coût global estimé à 260 milliards MRO sur 30 mois, vise à améliorer l’accès aux services essentiels – eau potable, santé, éducation, infrastructures – dans toutes les régions du pays. Cette décision fait suite à plusieurs missions ministérielles qui, au début de l’année, ont sillonné l’intérieur du pays pour organiser des forums régionaux de planification participative, afin d’identifier les priorités de développement exprimées par les communautés locales.

Mais cette initiative, bien que saluée dans son intention, réveille aussi une mémoire nationale sceptique, forgée par plusieurs expériences similaires passées aux résultats décevants.

Sous le régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, déjà dans les années 1990, des campagnes avaient été lancées pour le développement intégré des régions. Des projets avaient été annoncés avec promesses de désenclavement, d’industrialisation légère et d’investissement rural. Cependant, le manque de suivi, la mauvaise gouvernance et l’inefficacité des structures chargées de l’exécution ont abouti à des résultats largement en deçà des attentes. Les régions concernées sont restées en marge du développement national.

Plus récemment, sous le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, une autre initiative ambitieuse avait vu le jour : le programme du « triangle de la pauvreté », censé cibler les zones les plus marginalisées du pays, notamment dans l’Assaba, le Gorgol et le Guidimakha. Là encore, malgré les annonces, les populations locales n’ont vu que peu de changements concrets dans leur quotidien. Des projets restés au stade des maquettes, des infrastructures mal conçues ou inutilisées, et une absence flagrante de concertation avec les bénéficiaires ont fini par enterrer l’espoir.

Aujourd’hui, l’initiative portée par le président Ghazouani apparaît comme une troisième tentative majeure en trois décennies pour faire du développement local une réalité.

Mais cette fois, la présidence insiste sur une approche participative et décentralisée, basée sur les priorités exprimées localement et sur une exécution multisectorielle coordonnée. Les ministres ont affirmé leur engagement à démarrer « sans délai » les projets identifiés.

Le succès du programme d’urgence dépendra donc non seulement de la mobilisation financière et logistique, mais aussi d’un changement de méthode, fondé sur la transparence, le suivi citoyen et l’évaluation permanente de l’impact réel sur les populations.

Sinon, ce programme risque lui aussi de rejoindre la longue liste des ambitions enterrées dans les sables de l’intérieur du pays.

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