Il fut un temps où l’Union des Forces Démocratiques (UFD) incarnait la dignité de l’opposition, la constance dans les principes, et la voix des sans-voix. Ce parti drainait les foules, faisait trembler les palais, et portait l’espérance d’une alternance démocratique réelle. Ce temps-là est aujourd’hui révolu.
Née sur les cendres du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), l’UFD fut portée par la stature imposante de Ahmed Ould Daddah, économiste rigoureux, homme d’État respecté, et opposant infatigable. Son nom est indissociable de l’histoire politique contemporaine de la Mauritanie.
En 1992, lors de la première élection présidentielle pluraliste de notre pays, il se hisse au second tour, affrontant à visage découvert un pouvoir encore ancré dans sa logique autoritaire. Ce fut un choc pour l’establishment : la contestation n’était plus clandestine, elle était publique, organisée, populaire.
Durant trois décennies, Ould Daddah a tenu tête aux régimes successifs, souvent au prix de sa liberté. Il a connu l’emprisonnement, les assignations à résidence, la marginalisation. Il a encaissé les coups bas, les complots, les trahisons, mais n’a jamais quitté le terrain du combat politique. L’UFD fut pendant longtemps la première force d’opposition organisée, celle que l’on craignait, celle qui rassemblait, celle qui structurait l’alternative.
L’apogée du parti reste l’élection présidentielle de 2007, lorsque son leader manque de peu le fauteuil présidentiel, dans un duel historique face à Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Il ne lui a manqué que quelques milliers de voix. À ce moment-là, beaucoup croyaient que le changement était imminent.
Mais le vent a tourné. Les années ont passé. L’âge a pesé sur le corps et l’âme du leader. Le combat a épuisé l’homme. Et le parti, trop centré sur une seule figure, n’a pas su se réinventer. Pas de succession claire, peu de jeunes intégrés, aucune dynamique de renouvellement. L’UFD s’est figée dans une époque, comme si l’histoire s’était arrêtée.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, le silence de l’UFD est assourdissant. Pas un mot sur les répressions policières, les morts suspectes aux frontières, les arrestations arbitraires. Pas un communiqué, pas une conférence de presse, pas une mobilisation. Le parti, autrefois colonne vertébrale de l’opposition, n’a aucun député à l’Assemblée nationale. Il est absent de toutes les batailles sociales et politiques actuelles.
Pire : il est divisé. Miné par des luttes internes de légitimité, entre anciens cadres nostalgiques et nouveaux venus sans vision claire. Ce qui devait être un héritage politique fort est devenu un champ de ruines.
L’UFD paie aujourd’hui le prix de l’absence d’anticipation, de transmission et d’adaptation. Le paysage politique a changé. De nouvelles figures sont apparues, avec d’autres méthodes, d’autres discours, d’autres bases sociales. Et pendant que le monde avançait, l’UFD regardait en arrière.
Mais tout n’est peut-être pas perdu. Car la mémoire politique reste vivante. Le nom d’Ahmed Ould Daddah reste associé à une lutte noble, courageuse, intransigeante. Ce nom-là mérite mieux que l’oubli. Il pourrait encore être le socle d’une renaissance démocratique, si le parti accepte enfin de sortir du silence, de panser ses plaies, et surtout, d’ouvrir ses portes à une nouvelle génération d’opposants et de citoyens engagés.
La démocratie mauritanienne a besoin d’une opposition forte, crédible et enracinée. L’UFD, si elle le veut, peut encore être cette voix.
Mais pour cela, il faudra rompre avec la nostalgie, faire le deuil d’un passé glorieux, et oser construire l’avenir autrement.