Selon le site d’information AlAkhbar, une enquête judiciaire en cours met au jour un vaste réseau de trafic de comprimés hallucinogènes impliquant des importations en provenance de la Gambie, des sociétés-écrans, des courtiers en douane et des circuits de revente s’étendant jusqu’à l’Algérie et au Sahara occidental.
Parmi les principaux accusés, Abdallahi Salem Mohameden El Kory, né en 1976 à Rosso, a reconnu avoir importé une cargaison de substances psychotropes à travers un partenaire libanais installé en Gambie, du nom d’Anis, propriétaire d’une entreprise pharmaceutique. L’opération aurait été initiée à la demande pressante de son frère, Ahmed Bemba Mohameden El Kory. Craignant pour la réputation de sa propre société, Al Watania Pharma, Mohameden El Kory affirme avoir préféré utiliser la société de son contact libanais, les produits n’étant pas enregistrés en Mauritanie.
La cargaison aurait transité par le port de l’Amitié à Nouakchott, avec l’aide d’un courtier en douane, Abdallahi Mohamed Alla, alias “Dallahi”. Ce dernier aurait perçu environ 6 millions d’anciennes ouguiyas pour faciliter les procédures, en plus des 20 000 dollars versés pour l’acquisition des produits. Mohameden El Kory précise ne pas savoir à qui ont été remises les sommes versées pour faciliter le dédouanement. Il justifie l’opération par un objectif d’exportation vers des pays étrangers, où ces substances sont, selon lui, utilisées dans l’élevage.
Interrogé sur sa société, Mohameden El Kory a refusé de dévoiler le montant de son capital ou de son chiffre d’affaires, tout en assurant qu’elle opère légalement et emploie plusieurs personnes, dont un pharmacien sénégalais, un comptable et deux agents de gestion. Il admet néanmoins avoir récemment importé deux conteneurs de médicaments, l’un en provenance d’Inde, l’autre de Chine, via des transferts bancaires indirects.
Concernant la distribution, l’accusé affirme avoir vendu ses cargaisons à des étrangers, tandis que le reste était stocké dans un entrepôt à Arafat, dont il dit ne pas connaître le propriétaire. Les débouchés identifiés seraient le Sahara occidental et l’Algérie.
Le courtier douanier “Dallahi”, également entendu par les enquêteurs, a expliqué avoir été sollicité en 2023 pour dédouaner un conteneur de 40 pieds, déclaré comme contenant principalement des tissus. Il affirme avoir réglé 1,4 million d’ouguiyas anciennes en frais de douane et reçu un total de 5,5 millions de la part de Mohameden El Kory. Il nie toute connaissance de la présence de médicaments et assure ne pas avoir versé de pots-de-vin à l’inspecteur des douanes.
L’inspecteur Mohamed El Moustapha Ali Abdi, de son côté, accuse “Dallahi” de tromper régulièrement les services des douanes. Il reconnaît lui avoir emprunté deux fois 100 000 ouguiyas anciennes, mais nie que cela ait influencé ses décisions professionnelles. Il décrit un système de contrôle automatisé basé sur un code couleur indiquant le niveau de risque : rouge pour inspection physique, vert pour libération sans contrôle. Il précise également que les cargaisons contenant des médicaments doivent obligatoirement être vérifiées en présence d’un pharmacien.
Un autre suspect, Moulay Mbarek Bilal, transporteur basé à Sebkha, a reconnu avoir convoyé une cargaison vers Zouerate à la demande d’un certain Abdallahi Habiballah, contre 60 000 anciennes ouguiyas. Il affirme n’avoir eu aucune idée du contenu des colis et assure qu’il s’agissait d’une première et dernière fois. Une photo de comprimés retrouvée dans son téléphone aurait été envoyée depuis un numéro algérien inconnu, qu’il aurait ensuite transférée à Habiballah, lequel l’a identifiée comme étant un médicament hallucinogène.
Selon les informations obtenues par notre confrère, des dizaines de milliers de boîtes de comprimés psychotropes auraient été introduites en Mauritanie, en majorité depuis l’Inde. Le réseau impliquerait également plusieurs ressortissants étrangers, dont un Indien, un Syrien, un Libanais, ainsi que des Algériens, Marocains et Sahraouis. Au total, 32 personnes sont poursuivies dans cette affaire : 17 ont été placées en détention, les autres sont sous contrôle judiciaire.