Dans la nuit du 1er juin, le silence de la base militaire de Boulkessi, au Mali, a été brisé par le feu nourri des armes automatiques. Des combattants extrémistes affiliés à Al-Qaïda ont pris d’assaut le camp, prenant de court les soldats nouvellement déployés. Certains militaires se sont réfugiés dans la nature, d’autres ont tenté de fuir dans les broussailles, rapporte un soldat, récemment revenu de cette base située près de la frontière sud du Mali avec le Burkina Faso.

Quelques heures après l’attaque, des vidéos circulant en ligne montraient des combattants du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) célébrant leur victoire, piétinant les corps des soldats. Le groupe revendique la mort de 100 militaires et affirme avoir capturé une vingtaine d’entre eux, des affirmations impossibles à vérifier de manière indépendante par Reuters.

Ce raid sanglant sur Boulkessi n’est qu’un exemple parmi la douzaine d’attaques meurtrières menées par le GSIM en mai et juin contre des postes militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Les djihadistes affirment avoir tué plus de 400 soldats sur cette période. Les autorités maliennes restent silencieuses sur le bilan officiel.

Selon plusieurs sources locales, dont un expert sécuritaire et un chef communautaire interrogés par Reuters, cette montée en puissance traduit un changement stratégique majeur au sein du GSIM, fondé par Iyad Ag Ghali, un vétéran islamiste connu pour avoir brièvement pris le contrôle du nord du Mali en 2012.

Le groupe serait en passe d’abandonner la guerre de guérilla en milieu rural, pour lancer une campagne d’encerclement des centres urbains dans le but d’imposer son autorité politique sur le Sahel.

Selon l’expert Meçahit Durmaz du cabinet Verisk Maplecroft, « les récentes attaques témoignent d’une volonté claire de cerner les capitales sahéliennes, afin de bâtir un État parallèle s’étendant de l’ouest du Mali au sud du Niger, jusqu’au nord du Bénin ».

D’après l’ONG ACLED, les attaques du GSIM ont fait plus de 850 morts en mai dans la région, soit une augmentation notable par rapport à la moyenne mensuelle de 600 victimes recensées précédemment.

Cette flambée de violence survient alors que les périodes de mai et juin deviennent les plus meurtrières de l’histoire récente du Sahel, au moment où les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger, isolés après avoir rompu avec les puissances occidentales, peinent à contenir la menace djihadiste, malgré le soutien militaire russe.

Iyad Ag Ghali, figure centrale du GSIM et recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre, ambitionne selon les analystes d’imposer un pouvoir islamiste sur l’ensemble du Sahel et d’étendre son influence vers l’Afrique de l’Ouest, une région peuplée de quelque 430 millions d’habitants.

Le GSIM, regroupant plusieurs factions dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Al-Mourabitoun et la Katiba Macina, disposerait aujourd’hui de 6 000 à 7 000 combattants.

En décembre 2023, dans une vidéo rare, Ag Ghali appelait les populations musulmanes à se soulever contre les juntes militaires au pouvoir au Mali, au Niger et au Burkina Faso, dénonçant leurs alliances avec Moscou.

Les experts notent une évolution tactique du GSIM, avec l’usage de drones de reconnaissance, d’armes anti-aériennes et de raids coordonnés. Le groupe s’est enrichi par des razzias, du vol de bétail, des prises d’otages et l’imposition de taxes islamiques (zakat) aux populations locales.

Tout en imposant le port du voile pour les femmes et la barbe pour les hommes, le GSIM s’abstient pour l’instant d’appliquer les peines les plus extrêmes, comme l’amputation.

L’ONG ACLED relève que le GSIM contrôle désormais la ville de Djibo, au nord du Burkina Faso, et Diapaga, à l’est, où les djihadistes sont restés plusieurs jours, pillant des biens évalués à 3 millions de dollars.

Selon les analystes, la menace de voir le GSIM avancer vers Bamako ou Ouagadougou, autrefois jugée improbable, devient désormais une hypothèse crédible.

Enfin, la stratégie du GSIM s’appuie sur les communautés marginalisées, notamment les Peuls, nombreux dans les zones rurales et souvent perçus comme les oubliés des régimes en place.

Le GSIM étend désormais ses opérations au nord du Bénin et du Togo, menaçant les États du golfe de Guinée, considérés comme l’arrière-base logistique des gouvernements sahéliens.

Pour l’expert Durmaz, le Togo et le Bénin représentent les cibles les plus vulnérables, en raison de leurs faibles capacités militaires et de leurs frontières poreuses avec le Burkina Faso.

En résumé, face au retrait des forces occidentales, la menace djihadiste ne cesse de croître, ravivant le spectre d’un califat sahélien en gestation.

Shemsmaarif avec Al Akhbar

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