Shems Maarif a entrepris de traduire fidèlement en français le texte original de Moulaye Gewad, écrit en arabe, afin de restituer au mieux ses analyses et observations sur le rapport de la Cour des comptes.
Après lecture du dernier rapport de la Cour des comptes, il apparaît que la richesse et la diversité des observations nécessitent une analyse en deux temps. La première partie sera consacrée aux remarques générales sur la forme, la méthodologie et la ligne directrice du rapport, dans le but d’évaluer la nature du contrôle exercé et ses limites. La seconde partie abordera plus en détail les constats sectoriels et les irrégularités spécifiques relevées.
La publication des rapports annuels constitue un progrès important pour la transparence et la responsabilité. Mettre ces documents à la disposition du public implique la société civile, les médias et l’opinion dans la surveillance de la gestion publique. Ce geste, devenu un acquis pour la Cour des comptes, devrait également concerner l’Inspection générale d’État et les autres organes de contrôle. D’une part, cela joue un rôle dissuasif pour les gestionnaires qui savent que leurs mauvaises pratiques ne resteront pas cachées, d’autre part, cela incite les organes de contrôle à améliorer la qualité et la rigueur de leurs rapports, désormais soumis à l’évaluation publique.
Cependant, cette avancée majeure exige une lecture responsable et constructive. Ces rapports ne doivent ni servir à la diffamation ni être utilisés pour des règlements de comptes personnels. Ils constituent une source d’information sérieuse, qui doit être abordée avec profondeur et objectivité pour éviter toute banalisation.
Avant d’aborder le contenu du rapport, il est nécessaire de souligner que la Cour devrait améliorer la présentation de ses rapports. Malgré leur richesse technique, une mise en forme plus claire, attractive et structurée, avec des graphiques, tableaux et synthèses visuelles, faciliterait leur lecture et compréhension.
Le nombre de missions d’audit menées reste limité, compte tenu des ressources humaines et matérielles disponibles. Six missions par an en moyenne sont faibles, surtout après les recrutements et formations récents. Cette situation pourrait résulter d’une inertie interne, d’un manque de motivation ou de difficultés organisationnelles, mais elle limite fortement l’impact du contrôle.
De plus, le rapport ne précise pas les ressources dont dispose la Cour, qu’elles soient humaines ou matérielles. Cette absence nuit à l’évaluation de son efficacité et à la transparence de son fonctionnement.
La Cour a intégré le contrôle de performance dans son programme, ce qui est une étape importante vers l’évaluation des politiques publiques au-delà de la simple vérification des recettes et dépenses. Mais ce contrôle reste pour l’instant superficiel et peu analytique, probablement en raison d’un manque d’outils adaptés et d’un environnement administratif pas encore préparé à cette approche.
Le rapport utilise fréquemment des formulations vagues, telles que « un nombre important de… », sans données précises ni détails suffisants, et manque de tableaux synthétiques. Cela nuit à sa précision et à sa transparence, laissant penser que les enquêtes n’ont pas été menées à fond ou que certains résultats ont été occultés.
Par ailleurs, plusieurs secteurs stratégiques, comme l’éducation, l’agriculture ou l’eau, sont absents du périmètre de contrôle, ce qui indique probablement une absence de planification équilibrée des missions de contrôle.
Le rapport ne fait pas état du suivi des recommandations antérieures ni de l’évaluation de leur mise en œuvre, un élément essentiel pour mesurer l’efficacité réelle des contrôles.
Enfin, un point majeur est l’absence d’identification claire des responsabilités individuelles. Les irrégularités sont décrites de façon collective ou institutionnelle, sans mention des personnes directement responsables. Cette prudence affaiblit la portée du rapport, en effaçant la notion de responsabilité individuelle et en limitant son effet dissuasif. Elle rend les fautes anonymes, ce qui peut créer des interprétations erronées et laisser impunis les vrais responsables.
(À suivre…)




