Face à l’enracinement de la corruption dans les rouages de l’État, le Centre mauritanien d’études et de recherches stratégiques a organisé, samedi soir, une table ronde réunissant des experts issus du monde politique, administratif, juridique, médiatique et associatif. L’objectif de la rencontre était clair : évaluer les limites du dispositif actuel de lutte contre la corruption et explorer des pistes de réforme structurelle.

En ouverture des débats, le président du centre, Dr Weddady, a dénoncé l’inefficacité du système de contrôle existant. « Nous ne disposons pas d’une véritable architecture nationale intégrée de lutte contre la corruption », a-t-il déclaré. Selon lui, le discours politique sur la transparence reste sans effet concret, tandis que les institutions censées combattre la corruption sont souvent inertes ou court-circuitées. Il a également pointé du doigt le manque de coordination entre les structures de régulation, l’absence d’autonomie du pouvoir judiciaire, et surtout le rôle limité de la Cour des comptes, qui, dit-il, « n’exerce pas ses attributions juridictionnelles et ne mobilise pas les leviers légaux à sa disposition. »

La table ronde, modérée par Dr Ahmed Ndarry, s’est articulée autour de quatre grands axes. Dans le premier panel, consacré à la structure institutionnelle de la lutte contre la corruption, le haut fonctionnaire Abdel Jelil a présenté une communication détaillant les carences du système administratif actuel. Son intervention a été commentée par Sidi Ould Ahmed Dié, ancien ministre, et Me Mohamed El Mamy Ould Moulay Ely, avocat au barreau de Nouakchott.

Le deuxième panel a abordé la responsabilité des institutions politiques. Mohamed Jemil Mansour, homme politique, y a dénoncé la passivité des pouvoirs élus, suivi d’une réponse critique du député Ahmedou Mballa, qui a mis en lumière le rôle ambigu du parlement, parfois complice ou silencieux face à certains dossiers sensibles.

Le journaliste Haiba Cheikh Sidaty est intervenu sur le thème : « Médias et mémoire de la corruption en Mauritanie ». Il a dénoncé les pressions politiques, l’autocensure, ainsi que les difficultés d’accès à l’information, tout en appelant à mieux protéger les journalistes d’investigation.

Enfin, l’ancien sénateur Moustapha Sidatt, figure de la société civile, a insisté sur le rôle essentiel des ONG dans la dénonciation et le suivi des cas de corruption. Il a été appuyé par Mohamed Lemine Fadel, acteur associatif, qui a plaidé pour une synergie durable entre société civile et institutions de l’État.

Tous les intervenants ont convergé sur un constat clair : le système actuel de lutte contre la corruption est fragmenté, peu efficace et insuffisamment appliqué. Ils appellent à une approche nationale intégrée, impliquant tous les acteurs – politiques, judiciaires, médiatiques et citoyens – pour rompre avec la culture de l’impunité.

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