Samedi soir, un live Facebook animé par le blogueur El Hafed a capté l’attention de milliers d’internautes. Le sujet : la propagation inquiétante de la drogue en Mauritanie, notamment parmi les jeunes. Un débat franc et sans détour, auquel ont pris part Nouha Mint Mohamed Saleh, présidente de l’ONG « Nour Ghamar », le Dr Mohamed Fadel, psychiatre spécialiste des addictions, et Maître Sidi Moctar, avocat au barreau de Nouakchott.

Dès les premières minutes, le ton est grave. La drogue est désormais omniprésente : dans les quartiers populaires, dans les zones rurales, dans les établissements scolaires. Les intervenants s’accordent à dire que la situation a franchi un seuil critique ces quatre dernières années. Les enfants commencent parfois dès l’âge de huit ans, notamment avec le « soumsoum », une substance considérée à tort comme bénigne, qui ouvre souvent la voie à des drogues plus dures.

Nouha Mint Mohamed Saleh, engagée depuis seize ans dans la prévention, évoque une « prolifération inquiétante de toutes sortes de produits », allant des solvants aux comprimés psychotropes. Elle estime qu’environ 30 % de la jeunesse mauritanienne est exposée à ces produits, filles comprises. Certaines jeunes femmes, dit-elle, ne se contentent plus de consommer : elles participent activement à la distribution.

Le Dr Mohamed Fadel, de son côté, insiste sur la gravité du phénomène de dépendance. Pour lui, les jeunes usagers ne sont pas des délinquants, mais des malades. « Le fait qu’on en parle aujourd’hui publiquement est déjà un pas vers la reconnaissance de cette réalité. » Il évoque des signes alarmants : isolement, irritabilité, négligence de l’apparence, agressivité, recherche constante d’argent. Il met en garde contre la banalisation du danger et appelle à une prise en charge médicale et sociale, fondée sur l’écoute et la réinsertion.

Mais c’est Maître Sidi Moctar, avocat, qui a donné au débat une tournure plus politique. Selon lui, l’État n’a jamais manifesté une réelle volonté de lutter contre ce fléau. « Les lois existent, mais elles ne sont pas appliquées », affirme-t-il. Il pointe le manque de moyens aux postes frontières, le laxisme judiciaire, et la prolifération de fortunes suspectes, qui selon lui sont le fruit d’un laisser-faire institutionnalisé. « Si les autorités le voulaient, elles pourraient retracer l’origine de ces fortunes apparues du jour au lendemain. »

L’ensemble des intervenants insistent sur le rôle crucial des oulémas, des familles, des éducateurs et des médias pour briser le silence, éveiller les consciences, et prévenir une catastrophe sociale de grande ampleur.

« Ce pays ne peut pas se construire sur une jeunesse rongée par les drogues », résume l’un des invités.

À l’issue de l’échange, les trois participants ont lancé un appel solennel à une mobilisation nationale et collective contre ce fléau, en exhortant l’État, les institutions religieuses, la société civile et les citoyens à unir leurs efforts pour sauver ce qui peut encore l’être

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