Le procès devant le tribunal spécial des crimes économiques de l’ancien président M. Ould Abdel Aziz et de certains de ses anciens collaborateurs, s’est poursuivi sur les questions de procédure soulevées dès l’entame de la session, par leurs avocats respectifs. Il importe ici de souligner que leurs dossiers étant séparés et leurs intérêts différents, ils ne sont pas défendus par les mêmes conseils.
Le point essentiel débattu aujourd’hui porte sur le statut des inculpés devant la juridiction criminelle durant le procès : devaient-ils être libres comme le plaident avec véhémence leurs avocats ou être en état d’arrestation comme le défendent la partie civile et le parquet ?
Une bataille juridique » féroce » s’en est suivie, portant sur l’interprétation de certains articles du code de procédure pénale. De nombreux incidents ont dont émaillé la journée même si le Président n’a pas eu besoin de prendre des mesures de contrainte pour maintenir une ambiance d’audience finalement assez classique compte tenu de la qualité des accusés et des enjeux de ce procès hors normes à tous points de vue.
Depuis hier déjà, les avocats français et sénégalais avaient annoncé les couleurs dans des points de presse improvisés oû ils ont souligné la prétendue illégalité de l’arrestation de leurs clients qui seraient en état de séquestration voire de véritables otages de la part des autorités mauritaniennes qu’ils n’hésiteront pas à menacer de recours internationaux en cas de non libération immédiate de leur client, qui serait victime de règlement de comptes politiques.
Pour l’accusation, aussi bien le ministère public ( parquet) que la partie civile ( qui défend en l’espèce, les intérêts patrimoniaux de l’Etat), la mise en état d’arrestation des inculpés est tout à fait régulière et s’impose même au tribunal. Le fondement d’une telle interprétation est l’article 153 du code de procédure pénale ainsi libellé :
» L’inculpé renvoyé devant la cour criminelle sera mis en état d’arrestation AVANT le début de la session ( le procès) en vertu d’un mandat de dépôt ou d’arrêt décerné par le président de la cour criminelle, nonobstant la mise en liberté provisoire » ( dans l’hypothèse oû il serait en liberté provisoire ). Donc, d’après cet article clairement énoncé, si l’inculpé est libre avant l’ouverture du procès, il doit nécessairement être mis en état d’arrestation. S’il était en liberté provisoire, » le président de la cour criminelle ou le magistrat qui le remplace DECERNE CONTRE LUI MANDAT DE DEPOT, et lui notifie ce mandat… » ( article 256 du code de procédure pénale).
Les deux lectures opposées de la situation des inculpés, à partir du démarrage du procès, ont donc été exposées toute la journée par les parties. Les avocats de l’Etat ont ajouté à cet article son interprétation constante dans toute l’histoire judiciaire de la Mauritanie, en plus de la pratique générale suivie dans le reste du monde( y compris dans les Etats voisins ) qui veut qu’une personne accusée de crime ne puisse se présenter en prévenu libre.
Après âpres discussions, la session a été suspendue en toute fin de journée et renvoyée pour la décision de la cour criminelle le lundi prochain 30 janvier. La » guerilla » procédurale menée par la défense se poursuivra alors sans aucun doute…
Gourmo Lô, 26 janvier 2023
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