Le 10 juillet 1978 reste une date fondatrice, mais aussi une blessure encore vive dans l’histoire politique de la Mauritanie. Ce jour-là, un groupe d’officiers supérieurs renversait le président Moktar Ould Daddah, premier chef d’État civil du pays, mettant brutalement fin à une jeune expérience républicaine. C’était le premier coup d’État de l’histoire mauritanienne — il allait ouvrir la voie à une domination militaire qui, près d’un demi-siècle plus tard, reste omniprésente dans les arcanes du pouvoir.

Le contexte de ce renversement était marqué par la guerre du Sahara occidental, dans laquelle Ould Daddah avait plongé le pays en 1975. L’implication militaire mauritanienne dans la lutte contre le Front Polisario, en alliance avec le Maroc, avait rapidement tourné à l’enlisement. Nouakchott fut attaquée à plusieurs reprises, et l’armée, mal préparée, subit des pertes lourdes. Sur le plan intérieur, la situation économique se détériorait : inflation, mécontentement social, tensions ethniques, et défiance croissante au sein de l’armée. Le régime était à bout de souffle.

Dans la nuit du 9 au 10 juillet 1978, des unités militaires prenaient position dans la capitale. Au petit matin, le président Ould Daddah était arrêté sans violence. Le colonel Moustapha Ould Salek annonçait la création du Comité militaire de redressement national (CMRN), mettant officiellement l’armée au pouvoir. La Constitution fut suspendue, les institutions dissoutes, et un régime militaire s’installait.

Le coup d’État de 1978 ne fut pas un accident isolé, mais le début d’un cycle. Depuis lors, la Mauritanie a connu une succession de régimes dirigés par des officiers : coups d’État, transitions militaires, présidents issus des rangs de l’armée. Même les périodes électorales dites “démocratiques” ont souvent vu l’arrivée au pouvoir d’ex-généraux, recyclés en civils pour la forme. La transition vers un pouvoir pleinement civil, indépendant et pluraliste, reste inachevée.

Officiellement, le 10 juillet ne donne lieu à aucune commémoration. Pourtant, il marque un tournant majeur : celui de la militarisation de l’État mauritanien. Ce jour-là, le pouvoir civil fut délogé sans résistance, et l’armée prit racine au cœur de l’appareil politique. Depuis, aucun président mauritanien n’est parvenu au sommet de l’État sans l’onction explicite ou implicite des forces armées.

Aujourd’hui encore, l’empreinte de ce 10 juillet 1978 reste visible. Dans les faits, l’armée demeure le véritable arbitre de la vie politique nationale. La rupture de cette date ne s’est jamais refermée. Elle continue de dessiner les contours d’un système où la légitimité démocratique reste subordonnée à la logique des casernes.

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