L’homme d’affaires Selmane Ould Brahim a présenté ce jeudi 6 avril courant devant le tribunal spécialisé dans les crimes de corruption, son témoignage dans le dossier de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz.
Un témoignage qui intervient après l’intervention de l’ex homme fort de Nouakchott devant la même instance, dans laquelle, il a nié catégoriquement les charges portées contre lui.
Né en 1970 à Nouakchott, Selmane connait Ould Abdel Aziz depuis plus de deux décennies, disant qu’aucun des deux n’a servi l’autre.
Le président du tribunal, le juge Ammar Ould Mohamed Lemine convoqua Ould Brahim pour prêter le serment légal suivant avant de livrer son témoignage : « Je jure par Allah de parler sans crainte ni haine et de dire la vérité, toute la vérité. »
Le président du tribunal informa Selmane qu’il avait été convoqué afin de témoigner dans le dossier dans lequel est accusé l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, à propos des transactions qui ont eu lieu entre les deux et l’argent qu’Ould Abdel Aziz lui a confié, lui rappelant avoir prêté le serment il y a peu de temps, et qu’il avait juré de dire la vérité, toute la vérité sans peur ni haine.
Un dépôt d’un milliard
J’avais de l’argent confié par l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui avait l’habitude de m’en donner et parfois il en retirait une partie, a dit Ould Brahim.
Lorsque j’ai été convoqué par la police, je l’ai informé que j’avais 1,017 milliard ouguiyas anciennes que je n’ai pas remis immédiatement, en attendant une fatwa et des conseils juridiques, a-t-il dit.
J’avais acheté dix camions frigorifiques au profit de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz à 309 millions ouguiyas dont l’ex Chef d’Etat m’a remis 184,5 millions de leur prix, déduisant le reste du montant de l’argent confié, c’est-à-dire 124,5 millions avant de remettre le reliquat du dépôt à la police.
Questions du président du tribunal
Le président du tribunal, le juge Oumar Ould Mohamed Lemine, a posé à l’homme d’affaires Ould Selmane plusieurs questions :
Question : Avez-vous eu un autre contrat avec lui ?
Réponse : Oui, je lui ai acheté 100 voitures pour la sécurité routière, que je leur ai vendues à 6 millions le véhicule. Ce prix était un très bon marché à l’époque.
Question : Quelle est l’histoire de votre connaissance ?
Réponse : Nous nous sommes rencontrés en 1997 ou 1998
Question : Vous a-t-il donné de l’argent ?
Réponse : Oui, il nous a parfois donné de l’argent en tant que dépôt.
Question : Était-ce de l’argent en devises ?
Réponse : Oui, il m’a confié une fois un million de dollars.
Question : Était-ce par chèque ou en espèces ?
Réponse : cash et directement ?
Question : Vous souvenez-vous des circonstances dans lesquelles il vous a remis l’argent ?
Réponse : Oui, il m’a donné un million de dollars pendant les élections, et il m’a dit que c’était une aide pour les élections, et c’était lors de ses dernières élections.
Question : Combien d’argent avez-vous remboursé ?
Réponse : J’avais 1,017 milliard duquel j’ai pris le montant de 124,5 millions restant du prix des camions frigorifiques. Je leur ai demandé de verser le montant en tranches, mais ils ont refusé. Je suis allé à la « Banque d’investissement » avec laquelle j’ai conclu une « Mourabaha » qui m’a permis d’avoir le montant que je leur ai donné.
Questions du Parquet
Le Procureur de la République, le juge Ahmed Abdoullah Moustapha, a commencé son discours par la lecture d’un texte qui, selon lui, était contenu dans le témoignage de Selmane devant le pôle d’enquête, et relatif à l’achat de 100 voitures au profit de la sécurité routière.
Question : Est-ce vrai?
Réponse : C’est vrai, et je suis venu voir le ministre de l’intérieur, Mohamed Ould Boïlil, dans son bureau, et il m’a demandé si ces voitures pouvaient être disponibles à l’heure indiquée, et j’ai répondu oui, alors il m’a dit qu’ils donnent leur accord.
Question : Cet accord a-t-il été conclu par appel d’offres ?
Réponse : Non.
Question : Vous a-t-il ordonné d’aller voir le ministre de l’Intérieur ?
Réponse : Oui.
Question : Avez-vous reçu un million de dollars en main ?
Réponse : Oui.
Questions de la défense de l’ex-président
Avocat Jaavar Ould Ebiya :
Question : Quand a commencé votre relation avec Ould Abdel Aziz ?
Réponse : 1997
Question : avant qu’il ne devienne président ?
Réponse : Oui.
Question : Avez-vous été arrêté lors de ce témoignage ?
Réponse : Non, je n’ai pas été arrêté, mais la police m’a convoqué, et j’ai témoigné, après cela j’ai refusé de leur remettre l’argent jusqu’à ce que j’obtienne une fatwa légale et un avis juridique, et ils m’ont arrêté après cela, et quand J’ai eu la fatwa et l’avis juridique, j’ai remis l’argent selon la méthode précédente.
Question : Qui vous a donné la fatwa et où vous a-t-elle été donnée ?
Le président du tribunal intervient et informe l’homme d’affaires, Ould Brahim, qu’il peut ne pas répondre.
L’avocat, Ould Ebiye, a poursuivi son interrogatoire en disant : Le Conseil suprême des fatwas et des recours gracieux ou une autorité compétente vous ont-ils donné une fatwa ?
Réponse : J’ai eu une fatwa d’une partie de confiance qu’il n’est pas la peine de citer son nom. Ainsi j’ai obtenu un avis juridique.
Question : Vous avez dit lors de l’interrogatoire que vous aviez passé un marché avec l’armée, et que votre offre était de 50 % inférieure aux offres soumises ?
Réponse : Oui, l’usine de vêtements mise en place par l’armée. J’allais leur acheter du matériel, et je leur ai fait une offre de 700 millions ouguiyas anciennes. Cette offre était de 50 % inférieure à celles qui leur étaient soumises, et ils ont envoyé deux personnes en Chine pour vérifier l’affaire.
Question : En avez-vous la preuve ?
Réponse : ils ont la preuve.
Question : Qui était le chef d’état-major à l’époque ?
Réponse : Il n’est pas intervenu dans l’affaire.
Question : Était-ce en 2009 ?
Réponse : Je pense que oui
Question : L’accord sur les camions a-t-il été conclu après le départ de l’ancien président du pouvoir ?
Réponse : Oui
Avocat Cheikh Hamid :
Question : La police vous a-t-elle dit que vous étiez un témoin ou un suspect ?
Réponse : Non, elle ne m’a pas informé. J’ai plutôt appris, alors que j’étais à la Omran qu’une personne – paix à son âme – qui était mon concurrent commercial était à l’origine de l’incitation à donner de fausses informations à mon sujet. Ils m’ont traqué sur la base de ces données erronées au Maroc et en Arabie Saoudite. Un ami associé au défunt est venu me voir après sa mort et m’a demandé de lui pardonner, et je lui ai pardonné.
Question : Qui est le mufti ?
Qui t’a donné une fatwa devant la police ?
Le président du tribunal est intervenu à nouveau à ce stade et informa Ould Brahim qu’il peut répondre ou refuser.
Selmane : l’avocat et ancien parlementaire, Mohamed Lemine Ould Amar est celui qui m’avait conseillé sur le plan juridique.
Question : Quel est le montant des dépôts après 2019 ?
Réponse : Je ne m’en souviens pas.
Question : Y a-t-il eu des dépôts après le départ d’Ould Abdel Aziz ?
Réponse : Oui
Avocat Mohamed El Mamy Ould Mohamed Ely
Question : Qui a dit aux autorités qui ont enquêté sur vous que vous déteniez des dépôts appartenant à l’ancien président ?
Réponse : Demandez à la police
Question : L’acquisition des véhicules de la sécurité routière a-t-elle été conclue par appel d’offres ou par consultation simplifiée et fermée ?
Réponse : On nous a demandé de fournir un devis, et celui-ci a été comparé à d’autres prix.
Question : Combien de temps a duré la période de garde à vue ?
Réponse : La première fois, c’était plus d’une semaine, car c’était un week-end.
Me Sandrella Merhej :
Question : Pouvez-vous déterminer avec précision la période pendant laquelle vous avez reçu l’argent de votre ami Mohamed Ould Abdel Aziz ?
Réponse : Depuis les années 90 jusqu’à 2021
Question : Aziz vous a-t-il informé avant ou après sa prise de pouvoir sur la source de cet argent ?
Réponse : Non, à l’exception du million de dollars qui, selon lui, provenait de l’appui aux élections.
Question : Il existe des documents confirmant que le contrat de camions remonte à 2020. Ces camions sont-ils pour Aziz ou pour une autre partie ?
Réponse : Après 2019, et je ne sais pas à qui appartiennent les camions, je ne connais que Ould Abdel Aziz.
Maître Mohameden Ould Icheddou :
Le coordinateur de la défense de l’ancien président a commencé ses questions en interrogeant l’homme d’affaires Selmane Ould Brahim sur « la personne décédée », avant de commenter : « Ou laisse-la, je retire la question ».
Question : Avez-vous été arrêté avant de faire une déclaration ou pendant un interrogatoire ?
Réponse : Oui, j’ai passé huit à neuf jours deux fois
Question : Avez-vous été contraint ?
Réponse : Non, seulement restriction de liberté
Question : Qui a émis la fatwa ?
Réponse : J’ai été convaincu de la fatwa, et c’est le plus important.
Question : Le dépôt dont vous avez parlé était de 1,017 milliard ouguiyas anciennes, vous en avez retiré 124,5 millions et remis le reste, qui est la partie qui a vérifié avec vous ces comptes?
Réponse : la police, le juge d’instruction.
Avocat Taleb Khyar Mohamed Maouloud :
Question : Avez-vous versé ces sommes uniquement sur la base de la fatwa ?
Réponse : Non, la police m’a demandé et je lui ai donné la réponse en chiffres et lui ai remis plus tard le montant sur la base de la fatwa.
Question : Qui vous a demandé de faire cela ? Vous ont-ils montré une ordonnance du tribunal pour prendre le montant?
Réponse : Non, la police m’a demandé avant la justice de restituer le montant.
Question : Qui sont ceux qui vous ont demandé de restituer le montant ?
Réponse : la police, et certains d’entre eux se tiennent maintenant devant moi (désignant des agents de la police des crimes économiques)
Maître Sidi Mohamed Vall :
Question : La police vous a-t-elle fourni une ordonnance du tribunal pour récupérer le montant ?
Réponse : Non, ils ne m’ont pas donné d’ordre écrit.
Maître Idrissa Sow :
Question : Pouvez-vous confirmer que vous n’avez pas été soumis à la contrainte ?
Réponse : Oui, je le confirme.
Question : Quel est le montant des remboursements ?
Réponse : j’ai déjà répondu à cette question.
Collectif de la partie civile (Défense de l’État) :
Yarba Ould Ahmed Saleh :
Question : Le montant d’un million de dollars, est-il accompagné d’un document précisant sa source ?
Réponse : Non, pas de document avec la somme.
Question : Avez-vous consulté la personne dont vous avez demandé la fatwa au sujet de la décision de restituer ou de conserver l’argent à l’État, ou à propos d’autre chose ?
Réponse : Oui, j’ai seulement posé des questions sur la décision de restituer ou de garder l’argent public
Avocat Mohamed Yahya Teyeb Kherchi :
Question : Y avait-il une comptabilité et des bénéfices tirés par Ould d’Abdel Aziz de cet argent ?
Réponse : Non, il n’y avait pas de comptabilité ni de profits.
Question : Avez-vous géré les camions pour le compte d’Ould Abdel Aziz ?
Réponse : Les camions ont été saisis au port.
Question : Le montant d’un million de dollars, comment l’avez-vous converti dans la monnaie locale ?
Réponse : Comme on le fait couramment chez les mauritaniens.
Question : Avec quel statut accédez-vous au palais présidentiel, employé, ami ou homme d’affaires ?
Réponse : Je ne sais pas, je venais et j’entrais seulement.
A l’issue de l’audience, le président du tribunal a annoncé la suspension des audiences jusqu’à leur reprise en début de semaine prochaine.
Traduit par Mohamed O Mohamed Lemine
mdhademine@yahoo.fr
source : https://alakhbar.info/?q=node/46788