DW – Une soixantaine d’ONG demandent à l’Union européenne de cesser de verser des subventions à la Tunisie pour endiguer le flux des départs vers l’Europe.

Depuis plus d’une décennie, l’UE et ses Etats membres soutiennent politiquement, financent et équipent l’Etat tunisien pour contrôler ses frontières et contenir les migrations vers l’Europe.

L’objectif est clair : personne ne doit atteindre l’UE à tout prix. C’est ce qu’affirment ces ONG dans la déclaration faite ce lundi.

Selon ces ONG, entre 2016 et 2020, plus de 37 millions d’euros du Fonds fiduciaire de l’UE pour l’Afrique ont été accordés à la Tunisie pour la « gestion des flux migratoires et des frontières ».

Les ONG indiquent que « d’autres millions d’euros sont à venir et l’UE soutient la formation de la police, la fourniture d’équipements pour la collecte et la gestion des données, le soutien technique, l’équipement et l’entretien des navires pour les patrouilles côtières et d’autres outils pour le suivi et la surveillance des mouvements ».

La garde côtière tunisienne mise en cause

Pour les signataires de cette déclaration, l’UE soutient ainsi un acteur tunisien dont les violations des droits de l’homme à l’encontre des personnes en déplacement sont bien documentées : la garde côtière tunisienne.

Le nombre d’interceptions et de refoulements par les garde-côtes tunisiens vers la Tunisie a énormément augmenté ces dernières années. Rien qu’au cours du premier trimestre 2023, 14 963 personnes ont été empêchées de quitter la Tunisie par la mer et ont été violemment remorquées contre leur volonté au nom de l’UE, ajoutent ces organisations humanitaires.

Au nombre des signataires, la Ligue tunisienne des droits de l’homme, SOS Humanité ou encore Avocats sans frontières. Zeineb Mrouki est Responsable Programme à Avocats Sans Frontières-Tunisie. Elle répond aux questions de la DW. Cliquez sur l’image.

« La Tunisie n’est pas un pays sûr »

Les ONG signataires de cette déclaration insistent surtout sur le fait que, « la Tunisie n’est ni un pays d’origine sûr, ni un pays tiers sûr. Par conséquent, elle ne peut être considérée comme un lieu sûr pour les personnes secourues en mer ».

En outre, selon elles, « compte tenu de la transformation autoritaire en cours de l’Etat tunisien et de l’extrême violence et persécution de la population noire en Tunisie, ainsi que des personnes en mouvement, des opposants politiques et des acteurs de la société civile, nous demandons instamment aux autorités de l’Union européenne et à ses Etats membres de retirer leurs accords de contrôle des migrations avec les autorités tunisiennes et nous exprimons notre solidarité avec les personnes concernées ».

La Tunisie, dont certaines portions de littoral se trouvent à moins de 150 km de l’île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, majoritairement originaires de pays d’Afrique subsaharienne, vers l’Italie.

Les départs se sont intensifiés après un violent discours le 21 février du président tunisien Kais Saied pourfendant l’immigration clandestine.

Le premier trimestre de l’année 2023 a été le plus meurtrier pour les migrants traversant la Méditerranée depuis 2017 avec 441 vies perdues en tentant d’atteindre l’Europe, a déclaré l’ONU le 12 avril dernier.

L’Organisation internationale pour les Migrations des Nations unies (OIM) a estimé que ce chiffre de 441 décès est en deçà de la réalité.

Georges Ibrahim Tounkara