Sur la forme :

– L’audience a été ouverte à 09 :58

– L’avocat de l’ancien président, Cheikh Hamedi, a rapporté que son client avait subi « ce qui peut être qualifié d’agression physique par des individus en civil à l’intérieur de sa cellule de prison à l’Ecole de Police la veille.

– Le juge l’a interrompu «  le Tribunal n’est pas l’organe chargé de telles plaintes et nus avons perdu une semaine sur de tels détails »

– L’avocat est revenu en charge pour dire qu’il a été interdit à Aziz  de rencontrer ses proches, alors que les autres accusés rencontrent leurs familles tous les jours jusqu’à 23 heures , sont logés dans des appartements de luxe et utilisent les téléphones, ce qui constitue une discrimination négative manifeste contre son client.

– L’ancien Président a été très contrarié lorsque l’avocat Brahim Ould Ebety a évoqué des ordres qu’Aziz avait donnés à un officier de haut rang qui dirigeait la Direction générale de la Sûreté pour distribuer une partie du terrain de l’Ecole de Police, Aziz se leve, frappa la cage de fer avec sa main et se tourna vers l’avocat en hurlant : « c’est un Mensonge…c’est un Mensonge ! »

– Le même avocat a donné un deuxième exemple sur la pression exercée par l’ancien président sur l’homme d’affaires, OuldKerkoub, pour qu’il renonce à un terrain qu’il possédait.

Alors que Aziz a continuer  continuait d’hurler le juge a été contraint de suspendre l’audience à 11 : 25 et a convoqué Brahim Ould Ebety et Mohameden Ould Ichidou dans son cabinet, avant de revenir poursuivre l’audience à 11 : 50, en avertissant l’ancien Président et les accusés qu’ils doivent observer la discipline et le calme, sinon les mesures seront prises à leur encontre.

– A 16 :15, en attendant qu’on commence à statuer sur exceptions soulevées par les avocats, Aziz a passé un document à Yahya Ould Hademine, qui l’a lu attentivement puis ce dernier l’a transféré sur sa droite à Mohamed Salem Ould El Béchir, qui à son tour l’a transmis à  Ahmed Salem Ould Ibrahim Val, Mohamed Ould Msabou, puis Yacoub Ould El Atiq qui l’a rendu à Aziz.

 

* Sur le fond :

– Les répliques des avocats de la défense aux réponses du Parquet et de avocats de la partie civile, se sont poursuivies puis le Parquet Général et les avocats de la partie civile sont revenus répondre, ensuite les avocats de la défense ont répondu à nouveau en tant que dernière partie à s’exprimer avant la délibération. Voici en résumé les différentes interventions:

1- Cheikh Hamedi | l’avocat de l’ancien Président: Il a évoqué lefait qu’il n’y a aucune possibilité pour la justice ordinaire de juger l’ancien Président, conformément au premier alinéa de l’article 93 de la Constitution.  Il a considéré qu’il y a une double application de la loi par le Parquet Général lorsqu’il a invoqué l’article 93 pour classer sans suite la plainte contre un Ministre en exercice et a engagé des poursuites contre l’ancien Président. Il a poursuivi en disant que c’est le peuple qui a travers la constitution notamment son article 93 a décidé de renoncer aux poursuites contre le Président, sauf en cas de haute trahison.

2- Ahmed Mohamed El -Moustapha | (Procureur de la République) : Il a répondu que lors de l’enquête parlementaire, il a été constaté qu’il y a des actions et des comportements dans lesquels le Président a interféré avec le travail du Gouvernement. Puis a déclaré que « la compétence du Parquet Général pour recevoir des plaintes est  illimitée, conformément à l’article 63 du Code de Procédure Pénale et la compétence du Tribunal est limitée ».

Il a déclaré que les secrets d’Etat ne peuvent pas êtres cachés aux juges et aux avocats qui peuvent les consulter. Il a affirmé que la contradiction entre les lois ordinaires et la Constitution ne constitue plus un problème, car les récents amendements constitutionnels l’ont traitée dans l’article 86 de la Constitution.

3- Mohamed Mahmoud Mohamed Saleh –L’avocat de la partie civile : Il a nié avoir fourni une consultation juridique au Parlement sur le dossier. Il a indiqué que la défense des accusés se concentre sur le fait qu’avant l’amendement de la Constitution française en 2007, il n’y avait pas d’actes séparés ni liés, soulignant que l’article 68 de la Constitution française de 1958 accordait l’immunité au Président dans le cadre d’actes constitutionnels à l’exception des autres actes pour lesquels il peut être poursuivi et que la discussion qui a eu lieu sous le mandat du Président Jacques Chirac portait sur la possibilité de le poursuivre pendant ou après son mandat devant les juridictions ordinaires. Il a ajouté que ce qui s’est passé en France n’était pas un amendement, mais plutôt une exception qui permettait la ratification du Traité de Rome, et que l’arrêt du Conseil Constitutionnel français disait que c’est la Haute Cour de Justice est compétence pour poursuivre le président pendant l’exercice du pouvoir et non une immunité et se termine avec la fin du mandat. Il a affirmé que la poursuite de l’ancien président devant les juridictions ordinaires ne pose aucun problème et n’a pas fait l’objet de polémique et ce qui ne peut être touché, c’est l’immunité dans les actes connexes et l’absence d’immunité dans les actes séparés après avoir quitté le pouvoir.

4- Brahim Ould Ebety | Avocat de la partie civile: Il a souligné que toutes les fonctions confiées au Président sont limitées par la Constitution et que les actes séparés qui n’ont rien à voir avec les fonctions constitutionnelles. Il a cité deux exemples, dont le fait que le Président donne des ordres à un officier supérieur qui dirigeait la Sûreté, lui demandant de soustraire une partie de l’Ecole de Police et ses pressions sur l’homme d’affaires, OuldKerkoub, pour qu’il renonce à un terrain.

5- Cheikh Ould Baha | Avocat de la partie civile : Il a confirmé que l’article 93 est clair et ne parle d’immunité que dans l’exercice des fonctions.

6- Vadily Ould Al- Raïs | Avocat de la partie civile : Selon lui il y a une différence entre les versions arabe et française de l’article constitutionnel, et en cas de conflit, la version arabe fait foi. Il a affirmé que la Commission d’Enquête Parlementaire était légitime en vertu de la loi organique de l’Assemblée Nationale qui est une loi statutaire qui est une loi organique car elle régit une institution constitutionnelle. Il a évoqué le fait que la présomption d’innocence est restreinte par la loi dans la garde à vue, la détention provisoire et le contrôle judiciaire et que l’accusé qui refuse de dire la vérité se met en porte à faux avec la loi

7- Nama Ould Ahmed Zeidane | Avocat de la partie civile : Il a évoqué l’article 93 de la Constitution, soulignant qu’il est en fait tiré de la Constitution française, mais qu’il doit s’adapter à la réalité mauritanienne en tant que société musulmane qui n’accorde pas d’immunité au dirigeant dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et ne donne l’infaillibilité à personne.

8- Sidi Ould Mohamed Val | Avocat de la défense de l’ancien Président : Pour lui le Président de la République est le Chef du Gouvernement en Mauritanie et que le chef hiérarchique a le droit d‘intervenir dans le travail de ses subordonnés. Il a dit que tous les actes dont ils ont pris connaissance dans le dossier relèvent tous de la compétence et des actions du Président et qu’aucun pays d’Europe, d’Afrique ou d’Asie n’avait poursuivi un ancien président, et que « la Mauritanie,  ne donnera pas au monde une leçon dans ce sens. »

9- Mohamed El Mamy Ould Moulaye Ely | L’avocat de l’ancien Président : Il a affirmé que la justice ordinaire en France s’est déclarée incompétente pour juger les Présidents et la justice constitutionnelle a clairement dit qu’il n’était pas possible d’adhérer au Traité de Rome en raison de la contradiction avec les dispositions de l’article 68 de la Constitution de 1958. Il a souligné qu’« il y a un débat en Mauritanie qui attire l’attention, et c’est un débat fait rage.» Dans le domaine judiciaire, le Parquet Général a classé sans suite une action contre un ministre en exercice en raison de l’immunité constitutionnelle et « le Parquet Général est un département de la justice exercée par des juges forts des conclusions auxquels ils sont parvenus. » Puis il a souligné que « les tribunaux correctionnels appliquent le sens apparent du texte et, après interprétation, ils interprètent le texte peu clair en faveur de l’accusé » et poursuit en disant que lorsque l’on suppose considérer les actes liés, en France les procédures ont été déterminées par l’engagement de l’action procès et leur suspension jusqu’à ce que le Président quitte le pouvoir, alors qu’en Mauritanie le législateur n’a pas expliqué les procédures, mettant en garde contre l’exposition de l’Institution de la Présidence au danger de la transgression l’article 93 de la Constitution.

10- El Moctar Ould Ely | L’avocat de la défense (Ould Msabou et Al- Mirkhi) : a souligné que les circonstances dans lesquelles la constitution française a été rédigée visaient à donner des garanties au Président de Gaulle d’accepter le retour au pouvoir après la Seconde Guerre Mondiale pendant la faiblesse des institutions françaises et il a introduit l’article 68 de la Constitution de 1958 pour se protéger, et que les circonstances d’élaboration de la Constitution mauritanienne de 1991 furent après l’évocation de la possibilité de poursuivre l’ancien président Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya pour les événements de 1988 et ainsi il introduisit l’article 93 pour se protéger des poursuites et de la reddition des comptes. Il a souligné qu’il n’est pas logique d’exclure les ministres de l’Economie et des Finances des poursuites dans le dossier eu égard à leur responsabilité des biens de l’Etat et de les charger de signaler les détournements qui pourraient survenir.

11- Abdallahi Taj Eddine | Avocat de la défense (Ould Bowbat) : Il a affirmé que le pouvoir exécutif en Mauritanie c’est le Président de la République et tous ses actes sont liés à ses pouvoirs

– A 13 : 37, le Tribunal se retire pour délibérer sur les exceptions soulevées et revient pour reprendre l’audience à 16 :15.

– Le juge a déclaré après l’ouverture de l’audience que « le Tribunal lira sa décision et suspendra l’audience pour rerendre la semaine prochaine ».

– Il donne lecture du texte de la décision suivante : « Après avoir délibéré conformément à la loi, le Tribunal a décidé de joindre toutes les exceptions soulevées dans le dossier N° 01/2021 à l’original, car statuer sur certaines d’entre elles nécessite de statuer sur le fond ».

Selon les avocats et les experts, cette décision implique la poursuite du procès avec l’interrogatoire des accusés, l’audition des témoins et des plaidoiries des avocats, puis le jugement qui statue sur les exceptions de forme.

  ©Sid_El_Moctar_Sidi traduction site shemsmaarif.info